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À l’occasion du 8 mars, journée internationale des femmes, nous revenons sur les effets de la crise pour les droits des femmes. Il est essentiellement question ici des conséquences des politiques d’austérité imposées aux peuples européens par les gouvernements appuyés par le FMI. En effet, la crise des dettes publiques crée un effet d’aubaine, donnant à la Troïka et à ceux qui servent ses intérêts le prétexte rêvé pour démanteler les droits et les acquis sociaux dont jouissaient encore les salariéEs et les chômeurEs en Europe. Les femmes sont les premières victimes de ces politiques, qui aggravent encore les inégalités antérieures, soit directement en termes de salaires et d’emploi, soit indirectement par le biais du démantèlement des services publics.

La crise, combinée à la crise écologique, a bien d’autres effets sur les femmes, dont nous ne traiterons pas dans ce numéro. Les migrations internationales se féminisent. Les femmes sont évidemment poussées à migrer pour les mêmes raisons que les hommes, pauvreté, impact de l’ajustement structurel, etc., mais la plupart des femmes partent à la recherche de meilleures conditions de vie tout en assumant la responsabilité de la survie économique de leurs familles. Elles sont aussi les premières victimes des déplacements liés à des catastrophes écologiques, des famines ou des épidémies, des problèmes de déforestation et de raréfaction de l’eau, puisque la responsabilité de l’approvisionnement leur est en général dévolue.

La crise financière mondiale combinée aux récentes spéculations alimentaires produisant des hausses de prix des produits alimentaires, est lourde de conséquences pour les femmes des pays pauvres et leurs enfants : accroissement de la mortalité infantile et de la déscolarisation des filles et diminution des revenus. La crise écologique n’est pas réservée aux pays en développement. Les problèmes de pollution et d’alimentation touchent de plus en plus d’enfants, impliquant des effets importants sur la vie professionnelle des femmes avec des maladies à répétition. Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur ces sujets.
Cette situation produit évidemment des résistances de femmes, qui s’organisent localement ou nationalement. C’est notamment le cas en Grèce, comme l’explique Sonia Mitralias ci-après. Reste maintenant à faire converger ces résistances !

Services publics

Les politiques d’austérité s’appuient, pour réduire les dépenses de l’État, sur les coupes budgétaires dans les services publics et la protection sociale. La première phase de la crise avait pourtant montré à quel point les pays dotés d’un niveau encore élevé de protection sociale avaient été préservés de la crise, les restes d’État social jouant le rôle d’amortisseur. Du côté des services publics, les femmes sont concernées à double titre. Elles subissent leur démantèlement comme salariées, puisqu’elles sont majoritaires dans ces secteurs, qui connaissent des suppressions d’emplois massives.

Au Royaume-Uni, les femmes représentent 65 % des employés du secteur public et elles supporteront l’essentiel des 400 000 suppressions de poste annoncées pour les quatre prochaines années. En France, la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire en retraite sur deux a abouti à la suppression de 150 000 équivalents temps plein entre 2008 et 2012. La santé et l’éducation, particulièrement touchées, sont deux secteurs très féminisés, qui constituaient de plus un débouché pour les jeunes femmes diplômées. S’ajoutent à ces suppressions d’emploi la baisse des salaires des fonctionnaires imposée dans nombre de pays comme la Grèce ou l’Irlande.

Mais les femmes sont également touchées en tant qu’usagères des services publics. En effet, la division sociale et sexuelle du travail fait que l’essentiel des tâches domestiques, parentales ou d’aide aux personnes dépendantes reviennent aux femmes. Lorsqu’en France des classes de maternelle ferment, cela augmente automatiquement la charge de travail des femmes. S’ajoute également la fermeture de maternités ou de centres IVG ou des aides aux familles.

Protection sociale, retraites

Les gouvernements européens taillent également dans les budgets consacrés à la protection sociale. Les montants et les durées d’allocation diminuent, qu’il s’agisse de l’assurance chômage ou des allocations aux familles. Les services sociaux sont amoindris. Le mécanisme est le même que pour les services publics : les femmes se retrouvent pénalisées comme principales responsables de leur famille, alors même qu’elles ont pour beaucoup d’entre elles des revenus faibles et un emploi précaire. Pas besoin d’être grand clerc pour imaginer la suite du film, puisqu’on assiste à un remake des politiques imposées par le FMI aux pays du Sud dans les années 1980. Les conséquences ont été très négatives pour les femmes : obligées d’assurer les services qui n’étaient plus pris en charge par l’État et la collectivité, elles ont vu leur temps de travail dans la sphère privée fortement s’allonger, souvent au détriment d’un travail rémunéré. Les coupes dans les prestations sociales auront à court terme des conséquences désastreuses sur l’emploi des femmes.

L’importance des inégalités entre hommes et femmes avait été rappelée et vivement dénoncée durant la mobilisation contre la contre-réforme des retraites en 2010 en France. Celle-ci, de même que tous les plans du même type dans les autres pays européens, aggravent encore la situation. Les mesures d’allongement de durée de cotisation signifient une baisse des pensions pour tous, mais elles touchent de manière disproportionnée les femmes, puisqu’un taux beaucoup plus fort de femmes que d’hommes devra soit prendre sa retraite à un âge plus tardif, soit subir une décote plus forte, puisqu’elles sont en moyenne encore plus loin que les hommes de la durée exigée. En outre, la tendance, générale en Europe, à la privatisation et à l’individualisation des pensions signifie la disparition de la part redistributive des systèmes par répartition, qui permettait de corriger, de manière très insuffisante, les inégalités entre hommes et femmes.

Salaires, pauvreté

La crise a également un net impact sur les salaires. L’OIT constate, dans son rapport annuel sur le sujet, que la croissance des salaires a été divisée par deux en 2008 et 2009, avec des conséquences évidentes sur le pouvoir d’achat. L’impact est plus fort sur les bas salaires, avec le risque de basculement dans la pauvreté. Or les femmes sont majoritaires dans la catégorie des travailleurs pauvres, et ce de manière universelle. Les femmes constituent même la majorité des employés à bas salaire dans la plupart des pays, alors que leur taux de participation au marché du travail est habituellement plus bas que celui des hommes.

La pauvreté s’aggrave à l’échelle mondiale. Le BIT l’admet sans détour : « Bien que la crise économique ait démarré dans les pays développés, ce sont les populations pauvres et vulnérables des pays en voie de développement, en particulier les femmes, qui souffrent de l’impact et des conséquences de la crise ». En Europe, les écarts de pauvreté entre hommes et femmes persistent, certaines catégories étant particulièrement fragilisées, femmes âgées, mères célibataires etc. En France, les organisation humanitaires notent que la pauvreté se féminise encore sous les coups de la crise.

Chômage, sous-emploi

Dans un premier temps, la crise financière a produit un chômage qui concernait majoritairement les hommes, parce que les premiers secteurs touchés étaient majoritairement masculins (bâtiment, industrie automobile, transports) – secteurs qui concentrent aussi les principaux plans de relance. Dans les pays industrialisés, entre 2007 et 2010, le chômage des hommes a donc davantage augmenté que celui des femmes, le dépassant même temporairement. Cependant, dans la seconde phase de la crise, ce sont les secteurs féminisés qui trinquent, secteur des services, santé, éducation… De plus, plus précaires, les femmes sont davantage touchées par les effets de la précarité et notamment le non-renouvellement des CDD. Les situations sont évidemment variables d’un pays à l’autre. Comme le souligne Christiane Marty1, de la commission « genre et mondialisation » d’Attac, en France, c’est dès 2010 que le taux de chômage des femmes est redevenu supérieur à celui des hommes.

Mais on ne peut se contenter de rendre compte de l’évolution du chômage sans aborder la question du sous-emploi et du temps partiel. Or le taux d’emploi des femmes à temps partiel a fortement augmenté notamment en France, en même temps que croissait le chômage des femmes en activité réduite. La crise a également entraîné la multiplication de contrats précaires, aux horaires courts et très bas salaires, qui concernent majoritairement les femmes, et notamment les migrantes. En Grèce, le dernier plan d’austérité prévoit pour tous les emplois le passage à temps partiel sur simple décision de l’employeur. Il faut noter que, face à ces tendances, nul ne parle de compenser les effets de la réduction du temps de travail des femmes, comme c’est le cas par exemple dans l’automobile. Le chômage des femmes est donc encore considéré comme moins grave que celui des hommes ! Mais la précarisation du marché de l’emploi n’est pas une réponse conjoncturelle aux problèmes économiques immédiats : la crise en ce domaine ne fait qu’aggraver et accélérer les tendances antérieures.

1. Les chiffres évoqués dans ce dossier sont en grande partie tirés des articles de Christiane Marty, que nous remercions chaleureusement : www.france.attac.org/archives/spip.php?auteur750

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